En juillet, j’ai trainé mes baskets entre la bibliothèque Les Amours Jaunes et le port de Locquirec, j’ai effectué des recherches sur mes plateformes d’archives préférées, j’ai envoyé des mails à mes amis passionnés de patrimoine. Un petit indice par-ci, un gros par-là, j’avais trouvé mon fil conducteur pour le panneau « Patrimoine » commandé par la mairie de Locquirec. Je vous en reparle très bientôt.
Mon métier, c’est 50% terrain (à la rencontre des acteurs de mon territoire, pour des interviews, des reportages photo, pour s’imprégner d’un lieu) et 50% bureau (rédaction, conception des documents et supports de médiation…).
Sur le terrain, autour du port de Locquirec, j’y suis allée accompagnée de Pierre Réguer, l’initiateur de Cuisine à L’Ouest, un amoureux des belles et bonnes choses. Il partage avec moi ce goût de l’histoire et du patrimoine et notre conception de la communication est sensiblement la même.
En plus, il a passé un sacré temps sur cette plage du port quand il était petit, il la connait par cœur…enfin, il croyait la connaître par coeur !
Récit d’une « visite enquête »
Par Pierre Réguer
Locquirec ? J’y ai passé une partie de mon enfance, dans ma famille. Une partie de mon adolescence aussi, le camping avec la bande de copains, les virées en bateau.
Alors vous pensez bien que Locquirec, je connais comme ma poche. Ses ruelles, ses jolies maisons qui toutes portent un nom, ses hortensias. Ses plages, surtout celle du port, Chez Tilly, le tour de la pointe, la jetée. La pêche aux coques au fond de la baie, les vagues à Porzh ar Villiec…
Mais là, j’ai découvert un Locquirec que je n’imaginais même pas. Ces extraordinaires rochers plats, dressés à la verticale, derrière la jetée, auraient pourtant dû me mettre la puce à l’oreille.
Bon, que je vous raconte. J’ai accompagné Violaine Pierret, en tant que photographe, pour une véritable enquête sur le port de Locquirec. Une visite professionnelle, donc.
Violaine s’est documentée au préalable. Des recherches dans les archives départementales, régionales, parfois privées aussi, lui ont appris que ce port est récent, que cette pointe était autrefois un site d’extraction de pierre, la fameuse ardoise de Locquirec. Elle a trouvé un plan des anciennes carrières littorales, elle s’est documentée sur les techniques d’embarquement des pierres sur les gabares, dundées et goélettes échoués sur le sable…
Il nous restait à visualiser ça sur le terrain, à chercher et photographier les vestiges de ces activités anciennes.
Nous voilà donc arpentant l’estran, à marée basse, derrière le port. Paysage familier : la baie immense traversée par le lit du Douron qui vient frôler le bout du môle, les bancs de sables blancs, les rochers, les bateaux, les pêcheurs à pied, les baigneurs…
Violaine arpente les restes de carrière, repère les langues de sables dégagées pour permettre aux bateaux de s’avancer, cherche (en vain) des anneaux d’amarrage, trouve des traces de taille de pierre… Elle fait ce qu’on appelle de l’interprétation du paysage. Elle vous en parlera sûrement dans un de ses articles.
Et là, guidé par Violaine, je photographie, mais surtout je VOIS.
Je vois les carrières, j’entends les ouvriers débiter les plaques de schiste, je vois les gabares échouées sur le sable, dans lesquelles on charge les lourdes pierres, j’entends les palans grincer, les pierres sonner, les hommes jurer et blaguer.
Je vois la plage envahie par les éclats de pierre qui, quelques décennies plus tard, polis par les marées, feront d’excellent galets à ricochet pour amuser les enfants.
Je vois la construction du môle, fait de dalles de pierre de Locquirec mais habillé de granit de l’île Grande. Qui a eu cette idée de génie, construire cette jetée qui allait à la fois délimiter un port et empêcher les débris de carrière de venir recouvrir la plage ? Une jetée qui allait dessiner l’avenir balnéaire de Locquirec, accompagner la construction des villas, des hôtels et des restaurants…
C’est justement le thème de la recherche de Violaine Pierret. la moisson a été bonne, elle a de quoi illustrer son panneau de signalétique interprétative.
Quant à moi, plus jamais je ne regarderai Locquirec de la même façon.
Pierre Réguer