Histoire d’un édifice disparu
En 1902, la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés (ancêtre de la SNSM) annonce sa décision d’implanter à Primel la 102e station de sauvetage de France : 36 ans après celle de Roscoff, 8 ans après celle de l’île de Batz.
L’histoire paraît fluide, racontée de cette manière, mais en réalité, l’emplacement de cette station semble être le fruit de réflexions mouvementées.
À la fin du XIXe siècle, le trafic commercial est considérable en baie de Morlaix et on a bien conscience qu’entre Roscoff et Perros, il manque une structure de sauvetage : entre 1888 et 1895, 9 navires font naufrage autour de la pointe de Primel. Néanmoins, le choix de son emplacement n’est pas facile à décider :
Les archives (1883) évoquent Locquirec, finalement abandonné, jugé trop éloigné de l’entrée du port de Morlaix, en plus d’être particulièrement exposé aux vents de nord. Le petit port de Térénez est également mentionné, il a l’avantage d’être bien abrité par tout temps.
Mais finalement, en 1895, c’est à Primel que l’on décide d’installer la Station de sauvetage et plus précisément sur le site de Beg an Diben. L’endroit semble idéal pour y construire une cale de dimension modérée « d’un faible cubage de maçonnerie et donc d’un prix relativement peu élévé » et pour y implanter la maison abri.
La cale mesure 38 mètres de long et 3,42 mètres de large (entre les murettes garde-roues). À l’époque, on pense que l’emplacement choisi permettra une mise à l’eau relativement aisée. En réalité, la remontée dans son abri du Docteur Comme, le canot de la station, sera souvent bien difficile. Elle nécessitera parfois même l’intervention d’un attelage de deux chevaux.
Le Docteur Comme, canot de sauvetage de la station de Primel
Le projet de Station est complété par la construction d’un canot de 10,10 mètres. Dès 1902, Le Docteur Comme prend place dans l’abri de la Station. Il s’agit d’un canot de 10 avirons : les bateaux de sauvetage ne sont pas encore motorisés en ce début de XXe siècle.
Étonnamment, et de manière paradoxale avec les textes de projets qui évoquent la nécessité d’implanter une nouvelle Station en baie de Morlaix, ce n’est que le 27 décembre 1910, soit huit ans après la mise en service de la Station, que le Docteur Comme effectue son premier sauvetage. On n’en sait d’ailleurs que peu de choses si ce n’est que le navire en péril était un vapeur baptisé le Saint André.
Il faut compter environ une demi-heure pour mettre à l’eau le canot, à en juger par les écrits laissés en avril 1922 par Vincent Rolland, patron du canot de sauvetage de Primel : « Le 17, vers neuf heures du matin, sur un signal de détresse fait par le sémaphore, je m’empressais de me rendre à la station. Je hissais le pavillon en berne, et l’équipage répondant à mon appel fit sortir le canot qui était à l’eau à 9h30. ».
Au total, le Docteur Comme effectuera onze sorties de sauvetage, la plupart dans des conditions difficiles.
Le Docteur Comme est racheté en août 1950 par Vincent Rolland puis vendu à un chantier ostréicole. Il a été modifié pour les besoins du métier. Sa carcasse est restée longtemps visible à Kerarmel (Plouezoc’h). En 2022, le canot est découpé et les morceaux mis à disposition d’artistes qui réaliseront des œuvres sur ces supports. Elles seront vendues au profit de la SNSM.
L’abri sera quant à lui démonté. Le bois, transporté sur un chaland à la godille jusqu’à l’anse du Diben, sera réutilisé dans la construction de la maison des Rolland, actuelle Maison de la Mer.
Un canot construit au Havre pour de nombreuses stations de sauvetage
Les chantiers Augustin Normand au Havre ont construit un grand nombre de canots sur le même modèle que le Docteur Comme. Ici l’Amiral Courbet (1875) à Cayeux-sur-Mer (Picardie) et un autre canot identique au Cap-Ferret (Gironde).
Fiche technique du Docteur Comme
Longueur : 10,10 mètres
Largeur : 2,27 mètres
Équipage : 12 hommes
Patron : Vincent Rolland
Construction : Chantiers Augustin Normand (Le Havre)
Date de construction : 1901
Livraison à la Station de Primel : mai 1902