« Roger Joncourt, explorateur de la matière », une exposition conçue par l’agence

Du 1er mars au 20 avril 2025, le service culturel de la Ville de Landivisiau consacre au sculpteur Roger Joncourt une exposition rétrospective. Il m’en a confié la réalisation, m’accordant une très grande liberté.

J’ai parfois le sentiment que les gens dissocient le patrimoine et l’art, alors qu’il existe entre ces deux disciplines des passerelles indéniables.
« L’histoire de l’art, c’est avant tout de l’histoire », expliquait Michel Dupré, mon directeur de recherche à la fac. Cette introduction à mon premier cours d’histoire de l’art ne m’a jamais quittée, tant elle avait du sens.

Expo d’art vs expo de patrimoine

La démarche n’est pas foncièrement différente : travailler sur la conception d’une exposition, que ce soit sur des questions de patrimoine ou d’art, fait appel aux mêmes compétences : il faut savoir construire un récit, aller à l’essentiel, dégager des thèmes forts, rendre l’ensemble attractif, faire des choix (on ne peut pas tout montrer). Il faut savoir écrire aussi, on a tendance à l’oublier ; la maîtrise du langage, c’est quand même un peu la base. Et il faut aimer partager.

Ce travail concrétise plusieurs moments de ma vie, celle de l’étudiante en fac d’arts, celle de l’enseignante en arts-plastiques et arts-appliqués, celle de la conceptrice de supports de médiation culturelle que je suis aujourd’hui.
2025 marque un tournant dans la vie de mon entreprise : avec cette expo Joncourt, avec une autre exposition, portant sur Jim Sévellec (Musée de Morlaix), et avec un projet encore plus ambitieux, un parcours de découverte du patrimoine de Plougonven par le prisme de la création plastique contemporaine. Je suis complètement emballée.


Roger Joncourt – Le Renard (1953) – Plâtre
Témoignage de son goût pour le bestiaire, cette sculpture est présentée par Roger Joncourt pour son diplôme de fin d’études.


Je ne vais pas vous parler ici de l’expo Joncourt, car il faut aller la voir. Il faut toucher le bronze, le plâtre et le marbre. Il faut frôler de la main les aspérités de la matière, les ondulations d’une chevelure, la ligne géométrique d’un corbeau ou d’une pie. Il faut tourner autour des œuvres pour bien les observer. Il faut aussi observer les yeux noirs et pourtant si rieurs de Roger Joncourt.
Non, je vais plutôt tourner cet article autrement.

Cher Roger,
je ne te connais pas, je ne t’ai jamais rencontré. Et pourtant, je sais tout de toi, enfin presque. Quand je suis arrivée dans ton atelier, tu étais encore tellement présent. Tu as peut-être quitté cette terre, mais tu es toujours là, parce que tu laisses derrière toi une œuvre bien présente.
Dois-je le confesser ? De toi, je ne connaissais guère que ton cheval de travail, le fameux Paotr Mad, cette statue de laiton qui trône fièrement devant l’hôtel de ville de Landivisiau.
Loïc, ton fils, m’a ouvert les portes de ta maison, de ton atelier. Tu y conservais tout, une aubaine pour la chercheuse que je suis. Dans un premier classeur humide, j’ai trouvé une multitude de photos, celles de tes sculptures les plus monumentales. Tu les as réalisées pour des collectivités publiques, souvent dans le cadre du 1% artistique. Je reste bouleversée par ce décor en bas-relief imaginé pour le cimetière d’Aubervilliers, et par tes sculptures photographiées en noir et blanc et qui rappellent combien ta culture artistique était solide. J’y vois du Arp, du Moore, du Giacometti et même du Franck Gehry !

Roger Joncourt – Le château (1985) – Laiton patiné

J’ai découvert en lisant tes notes que tout cela n’était guère surprenant : tu avais fréquenté dans ta jeunesse l’Académie Royale et les Beaux-arts d’Anvers, juste au moment où on y créait l’un des plus importants musées de sculpture en plein air : le Middelheim Museum. Tu y découvrais les œuvres des sculpteurs du XIXe, Rodin, Bourdelle, Maillol et des avant-gardistes, Arp, Marini, Zadkine…
Puis à Paris, c’est ce même Zadkine qui devenait ton professeur. Je découvrais un texte de lui, écrit à la plume, rédigé pour t’aider à obtenir une bourse. Il te décrivait comme « un sculpteur de très grand talent ».

Chez toi, j’ai découvert aussi le collectionneur que tu étais, les trocs faits avec les copains, Joël Moulin, Jean-Claude Faujour, Jean-Paul Jappé, Michel Lancien, Michel Le Bourhis et tant d’autres. Ton entourage d’artistes, ton univers.

J’ai tant aimé observer tes carnets de croquis, tes découpages dans les magazines, tes études approfondies, tout ce qui montre si bien comment tu créais et qui résume si bien le processus créatif universel des artistes.

Cher Roger, sais-tu combien j’étais émue de cette rencontre ? Alors, toute cette émotion, j’ai voulu la partager dans cette exposition – avec ceux qui t’aimaient, avec ceux qui connaissaient ton travail, avec ceux aussi qui n’avaient jamais entendu parler de toi.

Exposition Roger Joncourt, explorateur de la matière
Espace Lucien Prigent – Landivisiau
Du 1er mars au 20 avril 2025.

Pour voir les compétences engagées par l’agence sur ce projet, rendez-vous dans la rubrique expositions.

L’œuvre de Ricardo Cavallo célébrée à Morlaix

Acquisition d’œuvres de Ricardo Cavallo par le musée de Morlaix

Si en 2016, le musée de Morlaix avait monté une exposition en ses murs, ses collections ne comptaient pas encore d’œuvres du peintre argentin. C’est désormais chose faite, et ça a du sens : Cavallo a beaucoup exercé son regard sur les architectures urbaines de Morlaix et a produit des tableaux intenses, où le travail de la lumière donne une impression d’intemporalité. S’il est tentant d’établir une comparaison avec les impressionnistes (on pense alors à la série des Cathédrale de Rouen peintes par Monet entre 1892 et 1894 : chaque toile représente l’édifice à une heure, selon une météo précises), Cavallo, qui peint aussi en plein air, superpose les couches de peinture, revient sans arrêt sur son travail, capte les couleurs de tous les moments comme s’il avait envie de tout montrer, le Morlaix du matin, de l’après-midi, de l’été, du printemps, en un seul tableau. 

Avant l’exposition au Sew du tableau « Morlaix, le fleuve au milieu », l’équipe du musée prépare l’assemblage du diptyque. 

Son œuvre s’articule autour de petits supports en bois marouflés de toile qu’il assemble pour composer un tableau monumental, parfois lui même composé de plusieurs panneaux. C’est le cas de « Morlaix, le fleuve au milieu », un diptyque récemment acquis par le musée, avec le soutien de l’association des Amis du musée. Ce tableau, dont le sujet si familier ne peut que nous toucher, représente la ville entre le viaduc et la mairie, la multitude de petites maisons des flancs Est de la ville, ses jardins en pente si caractéristiques. La ville baigne dans une atmosphère chaleureuse, grâce à une palette de jaunes et d’ocres, de bleus et de violets, de verts ; pourtant la couleur ne permet pas vraiment de déterminer l’heure. Le ciel semble nous rappeler que le beau temps n’est jamais éternel, que les nuages sont annonciateurs de pluie. 

Les dimensions généreuses du tableau invitent à l’évasion dans ce paysage de paradoxes temporels, pour chercher une maison que l’on connaît, se perdre dans les ruelles à peine ébauchées, pour laisser son esprit vagabonder. 

Pour compléter ce tableau remarquable, le peintre a souhaité faire don d’un autre tableau, « L’Anse d’Ariane », un paysage de mer. Ricardo Cavallo travaille à Saint-Jean-du-Doigt et le littoral exerce sur lui une fascination inaltérable : la pluralité des formes et des couleurs de la roche et de la mer est une éternelle source d’inspiration. 


Au cinéma La Salamandre, un film touchant sur la peinture de Cavallo, sur l’amitié, sur le partage

L’hommage se poursuit avec la projection d’un film d’une sensibilité à couper le souffle, réalisé par le cinéaste international Barbet Schroeder. On y suit la vie de peintre de Ricardo Cavallo, entre Saint-Jean-du-Doigt et son petit atelier de Neuilly, en visite chez ses amis collectionneurs. On suit la descente vertigineuse, matériel sur le dos, vers la grotte qu’il a entrepris de peindre sur cette côte sauvage du Trégor, on le voit travailler, organiser ses visites selon la marée, retoucher un fragment de tableau… 

Il nous parle des grands maîtres qui ont fait sa joie, Le Caravage, Velasquez ou Monet, de son désir de partager son savoir, de l’école de peinture qu’il a mise en place à Saint-Jean-du-Doigt, « une évidence » selon lui. 

À la projection du 8 novembre, Ricardo Cavallo et Barbet Schroeder ont fait l’honneur de leur présence et ont joué le jeu des questions-réponses avec un public passionné. Un événement vraiment exceptionnel à La Salamandre ! 

Barbet Schroeder et Ricardo Cavallo accueillis au Sew par Jean-Paul Vermot s’apprêtent à revoir le film à la Salamandre, en compagnie du public, le 8 novembre 2023. Ils posent devant les tableaux récemment acquis par le musée de Morlaix : « L’Anse d’Ariane » et « Morlaix, le fleuve au milieu »

Article rédigé pour le Morlaix Mag – Décembre 2023